23 juillet, 2009

Liliana Magrini




Il y a de ces livres vers lesquels on revient régulièrement, dans lesquels on aime relire tel ou tel passage… Le livre de Liliana Magrini, Carnet vénitien, fait partie de ceux-là. Il a été réédité en 2002 dans la très belle collection du Promeneur avec son agréable format, son beau papier de qualité et sa mise en page aérée.

Liliana Magrini (1917-1985) fut écrivain, traductrice, journaliste et critique. Elle est née à Venise. Après le lycée, elle s’inscrira à la faculté de Philosophie de Padoue.
Son premier roman, La Vestale, écrit en italien mais qui ne trouvera pas d’éditeur en Italie, elle le traduira ou plutôt le réécrira en français pour la maison d’édition Gallimard qui le publiera en 1953. Roman qui sera d’ailleurs bien accueilli par la critique française. Trois ans plus tard, elle fera paraître, toujours chez Gallimard, Carnet vénitien, un livre qu’elle écrira cette fois directement en français. « Cette vénitienne a écrit son livre en français. La finesse des tableaux et l’ambiguïté des sentiments suggérés témoignent d’une connaissance de notre langue dans ses moindres nuances. » (p.10, extrait de la préface de Roger Grenier) Elle a notamment traduit en italien Camus, Giono et Malraux et en français Les fiancés de Manzoni.

« Liliana Magrini est morte le 2 juillet 1985. Je l’avais rencontrée chez elle, à Noël 1963. Elle n’habitait plus Calle della Testa, près de Zanipolo, mais dans le quartier de l’Arsenal, un vieux palais, Calle Celsi. Il pleuvait, et comment oublier les pages de Carnet vénitien où elle met en scène le ballet des parapluies dans les calli étroites, avec des phrases qui sont le charme même.» p.13

Voici quelques passages glanés au fil des pages…

« La basilique commence à se doubler, sur le pavé, de reflets
liquides.
» p.18

« […] au miroitement que seule peut avoir une eau calme dont
la surface se brise et se crispe en innombrables facettes, et dont le jeu se
prolonge sur les écaillures de la vieille brique qui rendent si vibrant ce
ruissellement lumineux : paillettes de grès, lueurs vertes de mousses, creux
blanc de sel ou jaune de soufre ou rose, par mille brisures la lumières se joue
et se réfracte et s’estompe et s’exalte.
» p.24

« Chacun écoute, à travers la résonance d’autres vies, son
propre corps redevenu sensible, les incertitudes et les élans de son propre pas
parmi les pas des autres.
» p.28

« Doucement polies par le frottements des pas humains et
l’effleurement des pattes de chats, les briques en arêtes de la corte
dell’Albero s’ouvrent comme spontanément sous la poussée des quatre grands
platanes aux troncs anciens, d’une dureté minérale.
»p.38

« Ici, le soleil est comme une eau qui coule dans l’ombre :
les écaillures du plâtre, les craquelures des briques le font vibrer comme le
surface de la lagune la brise la crispe : au fond d’une
calle, il suit
la ligne sinueuse d’un mur. La partie ensoleillé du pavé se sépare de l’ombre
suivant une frontière elle-même brisée par les dentelures de pierres ou les
festons de tuiles le long desquels glissent les rayons – ainsi toujours quelque
ombre recoupe la lumière, s’en retire, selon une démarche d’une extrême
douceur.
» p.41

« L’eau des canaux et de la lagune, ce matin, d’un blanc
trouble de lessive, est soudain méchante sous le soleil étincelant. Où trouver
les mots pour dire le vert où, plus tard, le gel la figera, un vert cruel et
d’une trouble clarté. Elle paraît déjà plus pesante et comme coagulée.
»
p.43

« Il n’est pas toujours facile d’aimer Venise, l’hiver. Il y
faut parfois quelque effort : et, toujours, un cœur bien attentif. Elle n’y aide
pas, dépouillée comme un théâtre en plein jour. Que le ciel colle, jaunâtre, aux
maisons, ou qu’il soit haut comme aujourd’hui, d’un gris translucide, jamais une
ombre, une lumière brisée ne distrait ou ne voile sa nudité. Ni l’eau : verte ou
grise, elle n’est qu’un miroir qui projette sur la ville une clarté cruelle. Les
jeux sont finis.
» p.66

8 commentaires:

  1. Thanks for the introduction to her! Very interesting.

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  2. I have to say I really love this book. I don't know if it's translated?

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  3. Merci Anna Livia, un de plus ajouté à la collection.
    Venise nous manque beaucoup et j'essaie de voir si on ne peut pas y aller après Noël.... avez-vous déjà vécu à Venise à ce moment là?
    On peut toujours y rêver après les photos des uns et les lectures des autres.

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  4. Bonjour Les Idées heureuses! Il fait partie de mon top 10 des livres sur Venise à lire absolument. Je suis d'accord avec vous pour le voyage via les photos et les livres des autres. Pour me replonger en pensée à Venise, j'ai toujours La vie vénitienne de Régnier. Le charme opère à chaque fois. Une véritable bouée de sauvetage!

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  5. Merci AnnaLivia celui-ci je ne l'avais pas.

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  6. Pour les Idées heureuses:
    j'ai oublié de répondre à votre première question:
    je ne connais, pour l'instant, que la Venise hivernale. J'ai fait deux séjours en décembre et un en janvier. Alors, Venise l'hiver, c'est de magnifiques couleurs, un temps vif, une jolie petite brume, moins de touristes, des prix moins élevés, des vénitiens plutôt sympathiques et agréables... Coup de coeur de mon côté!

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  7. Bonjour,
    Aurais-tu la gentillesse de me dire de qui est ta première citation :
    "Liliana Magrini est morte le 2 juillet 1985. Je l’avais rencontrée chez elle, à Noël 1963. Elle n’habitait plus Calle della Testa, près de Zanipolo,.."
    Je suis en train de faire une recherche sur Liliana Magrini pour la fac.
    Suzel

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  8. Bonjour Suzel,
    la citation est de Roger Grenier. Voir le livre Carnet Vénitien.
    Bonnes recherches

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